L’effort juste

Qui n’a jamais eu « du mal » à faire tel ou tel mouvement de yoga ou bien à « tenir » sans peine une posture sur plusieurs respirations ? La posture, Asana, c’est le travail sur le corps. Le yoga, nous disent les textes, c’est être fermement établi dans cet espace heureux. Encore faut-il le trouver… C’était le thème de l’atelier du 5 avril.

Lever les bras en Tāḍāsana, plier le buste vers les jambes en Uttānāsana ou Paścimatānāsana, rester sur le ventre en Bhujaṅgāsana, se tenir plusieurs minutes debout et immobile en Samasthiti : quelques soient les postures de yoga, elles ont toutes une exigence plus ou moins confortable. La pratique du yoga nous invite à rechercher le juste équilibre entre l’exigence de l’effort et son confort. Cette notion s’appelle « sthira sukha », elle est mentionnée dans le chapitre II des Yoga Sūtra de Pataňjali.  

Sūtra 46 : « Sthirasukhamāsanam »

Cela signifie : être fermement établi dans un espace heureux, agréable. L’effort que l’on fournit doit être pacifié, approprié. Il est intéressant de remarquer que c’est la seule fois où Patanjali parle des asana, les postures. Seuls trois aphorismes les mentionnent. Les sutra suivants étant consacrés au souffle. La consigne principale est donc de pratiquer en sthira sukha.
Pourquoi ? Parce que la finalité des postures est, à l’instar d’un souffle maîtrisé, d’aboutir à l’immobilité. Nous entendons par cela aboutir à la posture finale assise, à une respiration longue et régulière, à un mental apaisé.

« Je manque énormément de souplesse »

me disent certains élèves, « donc je suis obligé de forcer pour arriver à faire la posture ». Cette situation est commune a beaucoup de personnes. Il est évidemment difficile de trouver du confort lorsque l’on tire sur ses bras, ses jambes ou ses épaules pour effectuer le geste proposé. D’autres n’auront aucun mal à entrer dans une posture, mais respirent difficilement dans celle-ci. L’opposé de sthira sukha c’est la tension. Une tension au niveau du corps (douleurs) se répercute au niveau du souffle (essoufflement, apnée) et génère une tension mentale (frustration, agacement, impatience, volonté d’aller au delà etc..). Et inversement. Mais pourquoi forcer un corps qui ne peut pas ?

Pour atteindre l’effort juste, notre courant de yoga propose une pratique progressive (vinyasa) et des adaptations.

Ce sont là deux des fondamentaux préconisés par Desikachar : « ces qualités sthira sukha peuvent être atteintes en reconnaissant et en observant les réactions du corps et de la respiration dans les postures. Une fois connues, ces réactions peuvent être maîtrisées par certains mouvements progressifs du corps et de la respiration. »

Nous atteignons ici un point essentiel dans la pratique du yoga : ne pas dissocier corps, souffle et mental. Pratiquer en tenant compte de ses limitations physiques (sans jugement), en prêtant attention à coordonner le mouvement au souffle (et non l’inverse !), en observant ce que nous raconte le mental à cet instant. Partir de là où nous en sommes et faire en fonction est la meilleure voie de progression. L’effort juste s’acquiert dans l’expérience de la pratique. Rechercher Sthira sukha devient alors un formidable outil de reconnexion à soi et permet, bien plus que de les faire, de vivre les postures dans toute leur puissance.